« Par lequel livre l’on pourra facillement congnoistre le plain et seur navigaige et evicter les paulx, rochiers, routtes, et autres inconveniens tant des parties de France Bretaigne Angleterre Espaigne Flandres que haulte Almaignes. Avec les dangiers des portz havres rivieres chenaulx des parties et régions dessusdites. Ce qui est bien necessaire savoir a tous marchans et gens de guerre qui hantent la mer »

On a vu lors du premier article sur Garcie Ferrande qu’il était un marin aguerri de Saint Gilles sur Vie, parcourant mers et Océans. Comme tout navigateur, à l’époque, il notait dans des carnets les caractéristiques des ports et des côtes qu’il approchait et fréquentait. Ces précieuses indications se transmettaient de marin à marin.

Il fut le premier, à la fin du XVème siècle, à avoir l’idée de rassembler ses notes et celles de ses pairs en un ouvrage, au service du «noble, très subtil, habile, courtois, hasardeux et dangereux art et mestier de la mer».
Toutes ces données sont rassemblées dans un document appelé d’ abord « périple » puis « compasso » et enfin « routier », ouvrage qui garde la mémoire des principaux « périples » pour aller de port à port. Ce routier prend parfois le nom de portolano ou de compasso da navegare, lorsqu’ il s’agit de navigation au large.

Pierre Garcie y explique de façon très simple et claire comment longer les côtes,  traverser la Manche ou le golfe de Gascogne avec une boussole et une ligne de sonde pour seuls instruments. Il y décrit ainsi les côtes européennes, depuis le Portugal jusqu’à l’Irlande, par zones, et en décrivant, avec logique, les courants, les vents, les amers, les abris, les écueils, les atterrages, les profondeurs et nature du fond… Il accompagne ses explications de dessins (notamment des amers) qui font de son « routier » une œuvre unique à l’époque, remplaçant les cartes maritimes imprécises de l’époque.

Fondé sur l’expérience, le texte se veut un document pratique à utiliser. À défaut d’être totalement maîtrisés, les dangers concrets qui parsèment les côtes sont identifiés, nommés, voire apprivoisés par le dessin. Puis, sans doute le marin s’attachait-il à mémoriser les parties descriptives de la côte qu’il côtoie (tant il est impossible de consulter l’ouvrage par temps agité en mer). Ainsi, les phrases sont énoncées de façon répétitive pour que le marin retienne les informations qui lui sont utiles : profondeur, nature du fond, marée et amers. Le Routier apporte au lecteur trois types d’informations :
Une description des côtes, avec des renseignements pratiques : marées, cours, routes, distances, dangers de roches et de basses avec leur profondeur…
Des renseignements théoriques : notions d’astronomie, description des «rhumbs des vents» ou du mouvement des marées.
Des renseignements locaux à caractère juridique et coutumier : coutumes de Bretagne et de la vicomté de Léon, rôles d’Oléron, calendrier des fêtes mobiles de l’année…

A noter que Garcie Ferrande apporte également dans son ouvrage un instrument de navigation particulier, la « roue pôle-homme », ancêtre du nocturlabe (ou nocturnal, ou nocturnum Horologium, ou cadran aux étoiles…).
Cet instrument de marine permet de calculer l’heure la nuit (l’écoulement du temps est déterminé en mesurant la position des étoiles composant la Grande Ourse ou la Petite Ourse) et de se positionner en latitude A partir de là, il donne la méthode pour calculer la bonne approche de port, en tenant compte de la marée. Le temps et l’espace sont ainsi repérés.

Enfin, c’est par un ton pouvant paraitre familier qu’y sont données les instructions, avec le choix du tutoiement. Cela est dû au fait que Garcie Ferrande dédicacera son travail à son filleul, Pierre Ymbert : «J’ay voulu pour toy subvenir et aider à congnoistre la manière et façon comment tu pourras éviter les grans et misérables périls de la mer véhémente…».

Achevé d’être rédigé en 1483, à St Gilles sur Vie, le « Grant Routtier et pilotage de la mer », sérieux, précis, clair et écrit en français, remporta un grand succès et connut de nombreuses éditions (trente-deux en français et huit en anglais). Le « Routier » resta l’ouvrage de référence des marins, sans réelle concurrence, jusqu’au XVIIIe siècle, soit pendant trois siècles.

Le premier manuscrit reste introuvable, mais une première édition «le routier de la mer», sans nom d’auteur, est imprimée à Rouen par Jacques le Forestier en 1502, 19 ans plus tard. Très proche des éditions futures, «le grant routier» publié sous le nom de Pierre Garcie dit Ferrande (à 79 ans, s’il est encore vivant), voit le jour à Poitiers en 1520, soit 37 ans après la rédaction initiale.
Le titre complet de l’édition de 1531 est : « Le Grant routier et pilotage et enseignement pour ancrer tant ès ports, havres que autres lieux de la mer : fait par Pierre Garcie, dit Ferrande, tant des parties de France, Bretaigne, Angleterre, Espaigne, Flandres et haultes Alemaignes, avec les dangers des ports, hanses, rivières et chenals des parties & régions dessus dictes, avec ung kalendrier et compost à la fin dudit livre très nécessaire à tous compaignons. Et les jugemens d’Oléron touchant le fait des navires »

Cet ouvrage, porté à la connaissance de François 1er par Philippe Chabot, seigneur d’Apremont, suzerain de Saint Gilles sur Vie, lui valut d’être reconnu comme «lung des experimentez maistres des navires qui sont iourdhuy et le plus congnoissant en navigaige».

Entre 1483 (quand Garcie Ferrande termine son manuscrit), et 1520 (date de la première édition publiée sous son nom), Christophe Colomb a découvert l’Amérique, Vasco de Gama a doublé le cap de Bonne-Espérance, Magellan entreprend le tour du monde, et la Renaissance a succédé au Moyen-âge.

Pour finir, si cela peut vous servir, voici sa description de la côte de Saint-Gilles, son port d’attache, qu’il connait sur le bout de la poupe :
 « Tu iras quérir Saint-Gilles et une isle qui est devant, lequel on appelle Perrourse, auprès de laquelle il y a une pointe de terre noire qui est telle que tu n’en verras point de telle depuis les Barges jusques en Noirmoustier. Et est icelle pointe appelée la Terre de Rié…. Sache que de Perrourse, si tu vas sur l’Ouest, tu iras quérir l’Isle Dieux, les sablières, là où l’on met l’ancre et y’a bon rade et sûr. Et de l’Isle Dieux, va au Sud-Est, tu iras quérir la barge d’Olonne. »

Lien vers l’ouvrage numérisé, sur le site de la BNF : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b550106025/f5.item

Le travail de Bernard de Maisonneuve : https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/un-archeologue-livre-le-mystere-garcie-ferrande-3797559

Sources :

Bernard de Maisonneuve, via le site http://association-vie-vendee.org
Site https://htba.fr, Histoire et Traditions du Bassin d’Arcachon
Site de Mme Wiart : http://stgil.e-monsite.com/pages/garcie-ferrande.html
Site http://www.saintgillescroixdevie.fr
Le Journal de la Vendée
Site www.auxpaysdemesancetres.com
Site wikipedia
Site www.ex-voto-marins.net


Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *